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Sur la volonté de puissance

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Message  Baptiste Ven 9 Mai - 14:08

Nietzsche pose la volonté de puissance comme principe de nos actions, notamment sur autrui, qu'elles soient inclinées pour faire du bien ou pas faire du mal.
Il y a sans doute là une vérité dérangeante, qui a suscité passions et foudres de la part des bien-pensants. On peut d'ailleurs rapprocher cette découverte de Nietzsche avec celles de Freud, un autre allemand que l'idéalisme parfois exagéré de sa nation a conduit à vouloir équilibrer tout cela par des considérations plus réalistes.

Mais pour ne pas tomber dans le cynisme universel et le refus de tout idéal, il est absolument nécessaire de nuancer la soi-disante toute-puissance, c'est le cas de le dire, de la volonté de puissance sur les intentions et les manifestations de nos actions.
La nuance vient curieusement, et peut-être malgré lui, de Nietzsche lui-même (on remarquera la même chose chez Freud), quand il dit que l'homme a une part de pulsions, d'instincts comme tous les animaux, mais aussi une part variable de conscience. C'est cette dernière qui constitue l'espoir de l'idéaliste.
Nietzsche, à l'instar de Hegel mais dans une version plus radicale, la considère comme une maladie venant entraver l'efficacité des hommes comme puissants.

Mon intention n'est pas de contester ces dires mais d'attirer l'attention sur le fait que les actions des hommes sont donc pour une partie (dont l'étendue reste à déterminer) guidés par la conscience, et la Raison (le "R" pour ne pas confondre avec le nom commun synonyme de cause) contenue en son sein.
Comme le dit Nietzsche, la portion de conscience dans notre cerveau varie sûrement énormément selon les âges et selon les individus.

L'erreur de Nietzsche est de sous-estimer la portion consciente et la raison en tant qu'origines de nos actions, ou en tout cas, s'il les prend en compte, les réduit à une faculté de calcul dans l'optique d'un accroissement de la puissance (ceci est la raison instrumentale).
Plus précisément, Nietzsche ne séparerait pas l'usage de la raison de la volonté de puissance. Au commencement serait notre soif de puissance, ensuite viendrait notre raison engendrée par la conscience qui fabriquerait une justification a posteriori de nos actions, d'une manière machiavélienne.

Or, je soutiens que les deux ne sont pas nécessairement liés. Le fait que je crois dur comme fer en un idéal pur ou en une solution politique collective, par exemple, peut produire le désir de le communiquer. Ce désir se muera en volonté de puissance, mais qui n'empêche pour autant pas la croyance sincère en ces idéaux. Il existe en effet, j'y tiens, une Raison universelle amoureuse de la vérité (née peut-être d'une "pulsion de réalité") qui s'impose presque comme telle à tous les hommes (c'est chez Kant une faculté, en dernière instance la faculté morale).
En définitive, il ne s'agit pas d'opter pour l'un ou l'autre de axiomes, car selon nous l'homme est plus compliqué que cela dans le processus qui mène à l'action. Il n'y a pas de règle vraiment universelle à ce propos, la seule règle étant l'entremêlement, le brouillon des motifs qui mènent conduisent à l'action.
Ainsi les origines de nos actions ne sont pas aussi simples que nous voudraient le faire croire d'une part Nietzsche, d'autre part les idéalistes de la Raison (dont ne fait PAS partie Kant selon nous).
La réalité est que les actions des hommes ont pour chacune des actions des motifs qui se cumulent, se complètent, s'annulent ou s'opposent. C'est d'ailleurs en cela que Freud a été plus sage que Nietzsche: il ménageait la notion d'insconstance de l'homme héritée de Montaigne, du fouillis de ses motivations. Nietzsche, en fait, a une vison trop épurée du fonctionnement de l'homme dans l'action.

Pour aller plus loin, on pourrait dire que le scepticisme de Nietzsche à l'égard e la possibilité de la Raison comme origine de nos actions touche malheureusement sa conception des arts.
N'existant chez lui pas d'universel de la Raison, et donc pas d'universel de l'esthétique, chaque art ne serait que la manifestation de la puissance de son auteur; la valeur d'une oeuvre dépendrait donc de sa dimension performative, de son efficacité à imposer la vison de l'auteur à tous les autres hommes (l'oeuvre la plus aboutie étant celle qui s'impose aux autres avec le consentement, c'est un comble, des plus enthousiastes de la part des "cibles").

Pour finir, on pourra dire qu'il subsiste comme un doute sur ce qu'a voulu dire Nietzsche, et celui-ci, en bon post-moderne, s'en félicitait sûrement.
On a parfois l'impression que subsiste chez Nietzsche le goût pour une vérité unique gravée "dans le ciel des idées". Il en vient en effet à nous livrer son idéal de culture, la culture ancienne de Provence: c'est bien le signe qu'il la pense supérieure. Et par opposition il charge férocement la culture allemande, par exemple Beethoven, sur des bases sociologiques certes mais aussi esthétiques.

La conclusion, nous la laissons à un certain Jacques Michel: "Nietzsche, on peut lui donner tort".
Quelle classe!
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Message  Rémi Dim 8 Juin - 18:28

Rien à redire sur le fond de l’article, suis entièrement d’accord avec l’idée que « la seule règle est l’entremêlement » : il convient d’ailleurs pour la philosophie et autres disciplines d’éclaircir ce brouillement des choses (ou plutôt des phénomènes).

La réalité perçue, seule réalité qui soit, est systémique, faite d’interdépendances et d’intersubjectivité. La phénoménologie et en particulier M. Merleau-Ponty nous incitent à penser cette intersubjectivité inhérente à la perception d’une réalité. Les yeux ouverts sur le monde, sur ce qui n’est pas encore le monde et l’est pourtant déjà, l’individu projette un sens, construit par sa conscience une signification pour tout ce qui l’entoure (il est Sinngebung). La conscience individuelle dresse face à elle la réalité qu’elle appréhende, au sens où elle est l’instigatrice de cette réalité qui ne serait pas sans elle. Mais quel rapport avec l’entremêlement ?

Tout simplement, l’individu n’est pas un Robinson. La vie en société, l’existence même de sociétés implique la confrontation et la coproduction mutuelle d’un minimum commun de significations du perçu. Cette communauté de sens, si elle n’existe pas spontanément se construit lors de la rencontre communicative avec autrui. Confronté à autrui je ne le comprends pas nécessairement : en cherchant à le comprendre, je me pense pensant et constructeur, j’essaie de le penser conscience et finalement je fais de lui un moi qui n’est pas moi, c’est-à-dire toi.

Ayant admis que l’autre est un moi, s’établissent alors un certain nombre de relations entre les significations qu’il se donne et celles que j’avais construites. La construction n’est par ailleurs pas à sens unique : j’essaie de comprendre l’autre qui essaie de me comprendre. L’existence de normes, individuelles mais aussi collectives c’est-à-dire sociales (où l’on voit que sociologie et philosophie sont complémentaires) résulte en fin de compte des interactions, de la communication et donc du système dynamique que constitue toute société. L’existence d’une société est fondée sur la possibilité d’un entremêlement, qui n’est peut-être pas si brouillon qu’il n’en donne l’air.

De plus ce "brouillon" n’est jamais que la dynamique qui traverse la vie vivante, la philosophie, si géniale soit-elle n’arrivera jamais, me semble-t-il, à égaler la vie. Peut-être retrouvons nous là la volonté de puissance…

Juste une précision : Freud n’était pas allemand, peut-être tchèque voire autrichien ; disons pour contenter tout le monde (c’est-à-dire personne) qu’il était austro-hongrois !

Dernière chose: Freud a-t-il vraiment été plus sage que Nietzsche? Il me semble qu'il a surtout voulu moraliser la société en expliquant que l'on pouvait et devait connaître ses pulsions. Nietzsche propose quant à lui un retour au dyonisiaque et aux passions: en se rapprochant de la liberté n'est-il pas alors plus sage?

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Message  zarathoustra Lun 9 Juin - 0:32

Ah, sa fé plaisir de lire de telles répliques...
On voit, par ailleurs, que t'est bien un pote a Florent ;-)

J'ai toujours trouvé très ingénieuses et agréables à lire les argumentations sémiologiques: comment l'homme donne du sens à ce qui l'entoure. Ce que tu dis sur Merleau-Ponty me rappelle beaucoup des sémiologues comme Barthes ou meme Baudrillard. Tous partent du principe que le monde ne se donne jamais tel qu'el mais saisi par des individus, des consciences en interraction.

Et Nietzsche, porteur de flambeau de cette sémiologie, lui meme s'inspirant des présocratiques...Voila le perspectivisme de Nietzsche: des consciences individuelles et collectives (enfin chez nietzsche collectif=troupeau) qui produisent un monde infiniment riche en sens. Le probleme étant que Nietzsche a poussé ce risonnement à l'extrème et est tombé dans le relativisme subjectif.

Mais alors que faire de ces pulsions dont Nietzsche affirmait et revendiquait l'existence? Le négateur de la vérité a été obligé de batir sa pensée sur un nouveau fond de vérités: l'existence universelle de pulsions, de l'Instinc. Et Nietzsche état conscient de cette contradiction, voila pourqoui je pense que nietzsche n'était pas si éloigné des romantiques qu'il détestait tant.

Par ailleurs a chaque fois que je relis Nietzsche c'est toujuors autant un plaisir ,sauf que je le lis plus désormais comme un un poète. Le poète et le sémiologue ce sont les deux faces d'une meme pièce: le sémiologue traque le sens, le poète en injecte à grand coup d'alexandrins.

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Message  Baptiste Lun 9 Juin - 10:57

Dernière chose: Freud a-t-il vraiment été plus sage que Nietzsche? Il me semble qu'il a surtout voulu moraliser la société en expliquant que l'on pouvait et devait connaître ses pulsions. Nietzsche propose quant à lui un retour au dyonisiaque et aux passions: en se rapprochant de la liberté n'est-il pas alors plus sage?

Comme le dit Zarathoustra avec raison, à mon sens, Nietzsche s'est enfermé trop loin dans le relativisme. Sa contestation était fondée mais il a été excessif au moins sur la forme (c'est-à-dire que quand on parle de Nietzsche on a l'impression, à tort ou à raison, de ne voir qu'une déconstruction systématique n'ayant pas de véritables fins sinon le plaisir), ce qui a amené la postérité à mal intepréter ce qu'il voulait dire, ou en tout cas à s'en emparer pour faire des choses qu'il n'aurait sans doute pas cautionné. Ainsi, la post-modernité se targue d'être composée d'individus revendiquant leur individualité et leur indépendance mais au fond ils sont plus que jamais des moutons suivant le(s) berger(s). Exemple tout con: à la Star'Ac on nous rabâche le "chacun est différent, sois toi-même etc", mais en définitive on a droit à la même niaiserie, à une uniformité des sentiments, et même des réactions instinctives. Sous des apparences légèrement différentes (style plutôt baggy ou style midinette...) on a les mêmes individus (je suis sévère ^^), et tout cela produit un véritable contrôle sur les téléspectateurs, et en plus rapporte pas mal d'argent grâce aux SMS et à la pub. Nietzsche se retournerait dans sa tombe s'il voyait l'artificialité du goût, le suivisme exacerbé, le narcissisme général et la suprématie de l'argent qui est en filigrane de tout cela, et vers lesquels sa pensée (entre autres pensées bien sûr) de la volonté, de l'autonomie et de la fierté a conduit. Je rejoins Zarathoustra quand il avait dit que mai 68 était la revanche de Nietzsche sur Marx, mais aujourd'hui ce vrai mai 68 là n'est plus à l'odre du jour. Alors on fait semblant de le célébrer, comme à la Fnac où l'on voit des pochettes "mai 68 court toujours" alors qu'on est dans le lieu suprème de l'industrie culturelle.

Quand je dis que Freud a été plus raisonnable, je veux simplement dire que tout ce que j'ai lu de lui dégage bien plus de modération que chez Nietzsche (sur le fond et la forme). Par exemple dans les Leçons su la psychanalyse il est en train de nous dégoûter depuis deux pages sur la névrose, nous disant qu'elle guette beaucoup plus les individus qui ne réalisent pas leurs désirs dans la vie réelle (les losers quoi) que les autres, quand arrive cette nuance salvatrice pour beaucoup: l'art, qui permettrait d'être en prise avec le réel et la réalisation de ses désirs alors que l'on est coupé du monde. Disons que comme tu dit, Freud n'a pas perdu de vue la morale, ses considérations ne heurtaient pas pour lui l'idéal universel de raison hérité des Lumières. Et c'est là où je suis infiniment plus enclin à adhérer à Freud qu'à Nietzsche.
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Message  Rémi Mar 10 Juin - 18:05

La sémiologie j'connais pas trop, disons que j'en suis encore au degré zéro de la sémiologie (ah ah ah); blague à part, la phénoménologie c'est excellent et si c'est pas déjà fait, j'vous conseille de lire la Phénoménologie de la perception de ce cher Merleau... Non seulement la pensée (le fond) est génial mais la forme est souvent proche de la plus belle littérature...

Mais revenons à Friedrich et Sigmund.
Tu dis que nous sommes "plus que jamais des moutons" (il serait illusoire de ne pas parler à la première personne) mais je ne suis pas sûr que nous soyons plus ou moins quelquechose que les générations et sociétés qui nous ont précédées. Cette distance critique vis-à-vis de tout évolutionnisme ou comparaison intertemporelle procède de la même précaution méthodique que nous sommes d'accord, il me semble, pour accorder aux explications monocausales. Les comparaisons dynamiques ne doivent pas être entièrement rejetées mais il faut refuser de dire que nous sommes mieux ou moins bien que les autres: sujet je suis, sujet je reste et il serait erroné de croire que nous pouvons nous objectiver, nous ici et maintenant. Le risque de sociocentrisme, et autres -centrismes, me paraît trop grand... (sur la connaissance du passé, sa possibilité d'exister et son degré de certitude, il y a un excellent texte de Kierkegaard dans les Miettes philosophiques pour ceux qui veulent).

"Je rejoins Zarathoustra quand il avait dit que mai 68 était la revanche de Nietzsche sur Marx": lapsus révélateur aurait dit Herr Professor Freud!
Désolé mais je n'aime pas Freud, à mon goût tu es encore trop gentil avec sa pensée (il n'y a d'ailleurs qu'en France que nous en avons fait un penseur, ailleurs il est médecin). Freud est un moraliste (moralisateur?) qui veut circonscrire le non-raisonnable dans un bureau, enfermer le non-rationnel dans les limites du divan psychanalytique. Sartre a d'ailleurs très bien analysé la tyrannie psychanalytique qui fait du patient un objet, le dissocie de l'être social qu'il est "réellement" ("L'homme au magnétophone" dans Situations n°??). Freud nous dit: vous avez un "ça", il est pulsionnel, la société ne saurait le comprendre, ne changeons pas la société elle est tellement bien comme elle est (1900!), venez plutôt me voir la semaine prochaine je vous ferais parler... n'oubliez pas de payer en partant! (d'un point de vue économique c'est cool, ça crée des emplois... mais je m'égare là).

Bref, je préfère Nietzsche qui me semble plus humain (trop humain!!) et fait dire à Zarathoustra de laisser se déverser ce torrent de boue qui seul peut "régénérer" une société amollie. Certes Freud est plus modéré (c'est-à-dire là conservateur) mais quelle société ennuyante nous promet-il!!

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Message  Baptiste Mar 10 Juin - 20:52

Juste avant de te répondre vraiment, tu peux "quoter", "citer" un morceau de texte de l'autre, avec le bouton correspondant, c'est bien pratique Wink

Alors:

Mais revenons à Friedrich et Sigmund.
Tu dis que nous sommes "plus que jamais des moutons" (il serait illusoire de ne pas parler à la première personne) mais je ne suis pas sûr que nous soyons plus ou moins quelquechose que les générations et sociétés qui nous ont précédées. Cette distance critique vis-à-vis de tout évolutionnisme ou comparaison intertemporelle procède de la même précaution méthodique que nous sommes d'accord, il me semble, pour accorder aux explications monocausales. Les comparaisons dynamiques ne doivent pas être entièrement rejetées mais il faut refuser de dire que nous sommes mieux ou moins bien que les autres: sujet je suis, sujet je reste et il serait erroné de croire que nous pouvons nous objectiver, nous ici et maintenant. Le risque de sociocentrisme, et autres -centrismes, me paraît trop grand... (sur la connaissance du passé, sa possibilité d'exister et son degré de certitude, il y a un excellent texte de Kierkegaard dans les Miettes philosophiques pour ceux qui veulent).

En fait en disant cela je voulais surtout la comparer avec notre prétention à avoir aujourd'hui une sociète libérée. Après les horreurs et les jougs totalitaires du XXème siècle on serait aujourd'hui averti et on ne ferait plus les mêmes erreurs. Demande à quelqu'un dans la rue, si tu lui poses la question "vous vous sentez formaté, oppressé?", il te dira bien évidemment non, te regardant d'un drôle d'oeil. Il pensera aussi aux dictatures et non, définitivement, "ces temps là sont bien révolus". Ca me parait bien présomptueux.

"Je rejoins Zarathoustra quand il avait dit que mai 68 était la revanche de Nietzsche sur Marx": lapsus révélateur aurait dit Herr Professor Freud!
Non non il n'y a aucun lapsus je faisais référence quelque chose qu'il m'avait dite hors forum, comme quoi mai 68 ce n'était pas le combat de l'idéologie de gauche contre celle de droite (luttes de classes selon Marx notamment) mais plutot une révolution libertaire sur laquelle sont venus se greffer des mouvements politiques qui n'y ont pas forcément compris grand chose. C'était la révolution de Nieztsche.

Désolé mais je n'aime pas Freud, à mon goût tu es encore trop gentil avec sa pensée (il n'y a d'ailleurs qu'en France que nous en avons fait un penseur, ailleurs il est médecin). Freud est un moraliste (moralisateur?) qui veut circonscrire le non-raisonnable dans un bureau, enfermer le non-rationnel dans les limites du divan psychanalytique. Sartre a d'ailleurs très bien analysé la tyrannie psychanalytique qui fait du patient un objet, le dissocie de l'être social qu'il est "réellement" ("L'homme au magnétophone" dans Situations n°??). Freud nous dit: vous avez un "ça", il est pulsionnel, la société ne saurait le comprendre, ne changeons pas la société elle est tellement bien comme elle est (1900!), venez plutôt me voir la semaine prochaine je vous ferais parler... n'oubliez pas de payer en partant! (d'un point de vue économique c'est cool, ça crée des emplois... mais je m'égare là).

Déjà le fait qu'ailleurs il soit considéré comme médecin confirme sa volonté de faire de la psychanalyse une science, ce qu'on lui a refusé en France. Tout penseur serait flatté de voir sa pensée érigée en science, et la philosophie a (avait je sais pas) vocation à être une science. Donc à l'étranger Freud est peut-être plus accepté, moins sujet à polémique, en tout cas je dis ça en partant de ton propos.

Ensuite quand tu sous-entends que Freud est un commerçant, je trouve ça un peu exagéré, peut-on blamer un médecin parce qu'il cherche des patients, et cherche à étendre sa médecine? Est-ce que tu as lu Le livre noir de la psychanalyse? Parce que tes idées m'y font penser.
Quand tu dis qu'il veut moraliser la société, il faut voir de quelle morale tu veux parler. Si c'est celle qui sert à renforcer la domination des classes supérieures, ou si c'est moraliser en vue d'un idéal.
Ensuite, je suis assez étonné que tu dises que Freud était conservateur. Il a au contraire lancé un grand pavé dans la marre, s'attirant des ennuis de partout, des médecins, des philosophes, des religieux... bref.
Tu me dis en fait que cet apparent progressisme était pour mieux perpétuer la société comme elle était. "Pour que tout soit pareil, il faut que tout change" en somme. Freud enfermerait le non-rationnel dans le divan psychanalytique. C'est à mon sens faux puisque Freud ne s'est pas cantonné à une théorie de médicine pour soigner les gens (et ainsi leur permettre de mieux vaquer à leur vie normale) mais a proposé une vision globale du sens de la société, par exemple dans l'ouvrage quasi-philosphique L'avenir d'une illusion, ou alors lorqu'il fait des études anthropologiques sur le totem, les tabous, etc.

Ce que je dis ne se fonde pas sur une connaissance précise de Freud, mais j'en ai lu, et ses textes ne m'ont pas paru impégné de "l'esprit" dont tu parles.

Enfin, pour Nieztsche, je pense qu'il a été trop virulent, ce qui a donné des rejets massifs, puis des rehabilitations mal maitrisées. De plus, vu le ton qu'il emploie dans son oeuvre, on ne peut pas s'étonner que les nazis aient repris sa pensée. Même s'ils n'y ont rien compris, je sais pas. Car ça lui pendait au nez avec ce style agressif et la dépréciation de la culture allemande des Lumières, sur laquelle les nazis chient affraid
S'ill voyait ça aujourd'hui je suis pas sûr qu'il s'en étonnerait en tout cas.
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Message  Rémi Ven 13 Juin - 21:14

Pour le non lapsus, autant pour moi, j'avais pas intégré que Zarathoustra faisant référence à Zarathoustra...

Sur mai 68, on ne peut pas dire que "c'était la révolution de Nietzsche" (oui je sais je peux quoter) ou alors tout est nietzschéen. Mai 68 c'était bel et bien la gauche contre la droite, ou alors comment expliquer les manifestations gaullistes (et de droite plus largement)? Comment expliquer que l'assemblée élue après la dissolution est été la plus à droite que la Cinquième n'ait jamais connu? Certes on ne peut pas dire "tous les gens de gauche étaient au quartier latin" et "tous les gens de droite défilaient sur les Champs-Elysées" mais quand même! Le libertarisme est une valeur de gauche, surtout de l'extrême gauche mais aussi d'une partie des "socialistes" de l'époque. Les mouvements politiques ne sont pas venus "se greffer", en tout cas pas plus que le mouvement ouvrier est apparu après le mouvement étudiant: mai 68 c'est une crise de la jeunesse, une crise sociale et une crise politique, les trois phénomènes ne sont pas réductibles entre eux. Il est vrai que le PCF n'a pas toujours contrôlé le mouvement ouvrier à l'époque et que celui-ci était beaucoup plus spontané qu'habituellement. Néanmoins les slogans, les idées, les références évoquées alors par les manifestants relevaient bel et bien de l'idéologie de gauche. Il y a à gauche autre chose que la pensée de Marx, surtout en France dans les milieux syndicalistes.

Sur Freud je crois qu'il y a malentendu... je me réexpliquerai...

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Message  Rémi Sam 14 Juin - 11:14

Quand je dis que ailleurs, Freud est considéré comme un médecin, cela veut dire que en France, la psychanalyse et les écrits de Freud sont considérés comme relevant en partie de la philosophie (notamment parce que Lacan est passé par là); dans les autres pays, Freud n'est que "l'inventeur" de la psychanalyse, d'une nouvelle méthode de psychologie. Le mot médecin était mal choisi. Je pense que l'idée de Popper selon laquelle la psychanalyse ne peut satisfaire au critère de scientificité est aujourd'hui acceptée par tout ceux qui ont un avis sur la question. Cela ne veut bien sûr pas dire que la psychanalyse est à rejeter en bloc. Elle n'est pas une science c'est tout.

Peut être est-ce exagéré de dire que Freud est un commerçant; en tout cas pour se payer une psychanalyse aujourd'hui il faut plutôt aller bien financièrement. Je n'ai pas lu Le livre noir de la psychanalyse, tu m'en apprends l'existence.
Quand je dis que Freud veut moraliser la société, j'entends là que par la pratique psychanalytique, tout le monde peut rester bien propre sur soi dans la vie courante et réserver tout ce que la société n'accepte pas, ne tolère pas pour la séance psy. S'il y avait un idéal selon Freud c'était sans doute celui d'avoir une société bien tranquille, se rapportant par exemple à l'image de la "petite bourgeoisie" du XIXème que nous pouvons avoir. Il ne s'agissait pas forcément de renforcer la domination des classes supérieures mais plutôt de faire en sorte que chacun reste bien tranquille à sa place.
En cela je maintiens que Freud était tout ce qu'il y a de plus conservateur: certes sa nouvelle méthode a pu être "un pavé dans la mare" mais l'objectif, la finalité même de la psychanalyse n'a rien de révolutionnaire!! La psychanalyse c'est faire des passions de l'homme une catégorie abjecte de sa personnalité, une catégorie qui n'a rien à faire au sein de la société!

Retour à Nietzsche: sans doute a-t-il été trop virulent, ce qui est vrai si on le lit en philosophe commun; mais Nietzsche était un poète exprimant une vaste pensée philosophique (comme tout poète?); il n'a fait que reprendre, amplifier et dépasser la philosophie de Schopenhauer. La forme de ses écrits est certes déconcertante, notamment Ainsi parlait Zarathoustra (écriture compliquée par les choix de Nietzsche mais aussi par les difficultés d'une traduction d'un tel texte vers le français). La récupération nazie de la pensée de Nietzsche est l'oeuvre de sa soeur (entre autres) qui après sa mort à récupéré des morceaux de textes, en a écrit d'autres, a ficellé tout ça et a fait paraître un soi-disant ouvrage posthume de Nietzsche (La volonté de puissance). Il ne faut pas oublier la critique du troupeau chez Nietzsche: le totalitarisme (en l'occurence le nazisme) a pour volonté première d'effacer l'individu au profit du groupe (race, corporation ou classe sociale)... tout cela n'est pas très nietzschéen!

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Message  Baptiste Lun 23 Juin - 13:15

Rémi a écrit:Peut être est-ce exagéré de dire que Freud est un commerçant; en tout cas pour se payer une psychanalyse aujourd'hui il faut plutôt aller bien financièrement. Je n'ai pas lu Le livre noir de la psychanalyse, tu m'en apprends l'existence.
Quand je dis que Freud veut moraliser la société, j'entends là que par la pratique psychanalytique, tout le monde peut rester bien propre sur soi dans la vie courante et réserver tout ce que la société n'accepte pas, ne tolère pas pour la séance psy. S'il y avait un idéal selon Freud c'était sans doute celui d'avoir une société bien tranquille, se rapportant par exemple à l'image de la "petite bourgeoisie" du XIXème que nous pouvons avoir. Il ne s'agissait pas forcément de renforcer la domination des classes supérieures mais plutôt de faire en sorte que chacun reste bien tranquille à sa place.
En cela je maintiens que Freud était tout ce qu'il y a de plus conservateur: certes sa nouvelle méthode a pu être "un pavé dans la mare" mais l'objectif, la finalité même de la psychanalyse n'a rien de révolutionnaire!! La psychanalyse c'est faire des passions de l'homme une catégorie abjecte de sa personnalité, une catégorie qui n'a rien à faire au sein de la société!

Pour recevoir des cours de philo et être capable de s'en servir, il faut aussi "aller bien socialement" (un jeune des cités n'en a rien à battre). Les inégalités d'accès à une discipline n'invalident pas cette discipline! On peut la blamer mais on ne peut pas se servir de cet arguement pour invalider ses thèses.

A part ça, je ne sais pas d'où tu tires ta conception de l'idéal de Freud, mais encore une fois lis L'avenir d'une illusion (si ce n'est dèjà fait Smile ). Dans cet ouvrage, Freud se pose en philosophe et produit une réflexion très intéressante et plutot choquante sur la religion et en particulier la religion chrétienne. Dans une Allemagne du XIXème siècle c'était plutôt très mal vu... puisque la religion était encore l'un de ses piliers. Je ne pense pas que c'est le type de livre qui a pour conséquence de faire rester tout le monde à sa place bien tranquille.
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Message  Rémi Mer 25 Juin - 20:04

Nous sommes d'accord: les inégalités d'accès à une discipline ne l'invalident pas (peut être demandent elle parfois d'en relativiser certains points, je pense ici à l'art, à l'esthétique mais c'est un autre sujet).

J'essaierais de lire L'avenir d'une illusion pendant ces vacances... histoire d'infirmer ou confirmer ce que j'ai pu écrire. Pour conclure, momentanément, sur ce sujet, et en rapport avec ce que tu écris: si Freud a critiqué la religion, alors il remonte déjà dans mon estime ;-); plus sérieusement, le fait qu'il a critiqué la religion ne fait pas de lui un révolutionnaire; on peut critiquer les chambres à gaz et faire le Goulag (je sais pas pourquoi j'emploie cette image, déplacée sans doute, comme toutes les images mais il me semble qu'elle correspond bien à ce que je veux dire); ou encore: on peut critiquer l'asservissement religieux mais en fabriquer un autre "sécularisé"; d'ailleurs quelle différence entre confession et psychanalyse?

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Message  Baptiste Jeu 26 Juin - 11:14

La réponse à ta question (drôle^^) sur la différence entre confession et psychanalyse peut etre assez compliquée. Un chrétien te dira: la confession c'est la liberté parce qu'elle se fait avec le consentement et l'action du libre-arbitre du sujet. Et un défenseur de la psychanalyse te dira à peu près la même chose: c'est le patient qui se guérit lui-même, etc.
Pour moi cependant, il n'existe rien de comparable entre la psychose et la culpabilisation née de la confession, car on parle de péchés, et la méthode psychanalytique qui ne culpabilise en rien (par exemple sur l'origine des névroses) et fait appel aux ressources vraiment personnelles du patient.
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